Qu'est ce qu'un vin biodynamique ?
Biodynamie et viticulture : les fondamentaux
Rudolf Steiner, fondateur de la biodynamie
Rudolf Steiner, penseur alternatif, est principalement connu comme fondateur de l’anthroposophie, une doctrine spirituelle» . Persuadé des bienfaits des forces cosmiques, de la Lune et des planètes sur les plantes, il tient en 1924 une série de huit conférences, connues sous le nom de « Cours aux agriculteurs ». Il n’utilise pas alors le mot « biodynamie » et ne l’a jamais employé. Le recueil de conférences porte initialement le titre de Fertilisation biologique. Vers 1930, il devient agriculture biologique et dynamique, du grec dynamis (la force), car selon Rudolf Steiner l’agriculteur doit comprendre et travailler avec les « forces » dont l’expression équilibrée permettrait, selon l’anthroposophie, la croissance saine des végétaux et des animaux. L’expression devint ensuite « agriculture biodynamique ».
Les travaux de Rudolf Steiner ont ensuite été approfondis par Maria Thun, paysanne biodynamiste et chercheuse allemande qui a mené durant plus de 50 ans de nombreuses expérimentations pour comprendre l’influence de la Lune et des planètes sur les plantes cultivées. Elle est notamment à l’origine du calendrier biodynamique qui recense les périodes favorables à la culture des légumes-racine, fleur, feuille ou fruit.
La biodynamie et le vin – décryptage
Pour comprendre la biodynamie appliquée au vin, il faut déjà comprendre qu’un vin biodynamique est à minima un vin biologique, qui respecte donc le cahier des charges AB : synthèse de la réglementation sur la vinification des vins bio (source Ecocert)
Quelques rappels sur le vin biologique.
Avant 2012, seule la production des raisins était encadrée par le cahier des charges européen de l’agriculture biologique, et excluait le recours aux engrais et pesticides de synthèse (les principaux traitements sont à base de souffre et de cuivre) ainsi qu’aux OGM. Aucune règle n’encadrait la phase de vinification. La législation de 2012 a comblé ce vide en fixant un certain nombre de règles : limitation des matières premières et des additifs utilisables (dont le souffre, mais avec un seuil qui reste élevé), interdiction de certaines techniques comme l’électrodialyse, la desalcoolisation partielle, la concentration par le froid,… ce qui a permis de franchir un pas significatif mais a toutefois ses limites : la liste d’additifs autorisés est longue : différents acides naturels (lactique, tartrique, citrique, ascorbique,..), sulfites et citrates peuvent ainsi être ajoutés au vin, tout comme des levures, du sucre et parfois même des copeaux de chêne pour donner un goût de bois…. (cette pratique est rare mais autorisée).
En clair il est possible de retrouver derrière un label AB aussi bien un vin avec une approche « industrielle » et des taux d’additifs relativement élevés qu’un vin d’artisan travaillé avec le souci d’accompagner le travail de la nature depuis la vigne jusqu’au chai.
Nous voilà donc avec un vin bio – que faut ‘il de plus que soit un vin biodynamique ?
Au-delà des règles de l’agriculture bio décrites ci-dessus, des labels indépendants (les principaux sont Demeter, Biodyvin, Nature & Progrès) se sont créés dans le but de fixer un cahier des charges plus exigeant, basé sur une réflexion profonde autour de l’équilibre entre l’écosystème de la vigne (faune et flore inclues) et l’homme.
Définition d’un vin biodynamique : pour aller à l’essentiel, l’objectif d’une vinification respectueuse des pratiques biodynamiques tend vers l’abolition de tout intrant œnologique ainsi que l’utilisation de toute pratique visant à modifier les équilibres naturels du raisin. Dis plus simplement : aucun ajout, aucun retrait, aucune modification.
Le vin biodynamique en pratique.
Biodynamie et cycle lunaire.
La viticulture biodynamique prend en compte les cycles naturels et notamment le cycle lunaire : le travail de la vigne et du sol est effectué en prenant en compte les cycles lunaires (lune montante, descendante, jour feuilles, jour racines,…) et chose plus surprenante la vinification également : les soutirages et la mise en bouteille sont aussi faits à des moments choisis !!
Côté dégustation les effets sont moins certains, mais certains vignerons ont noté que la réduction pouvait être plus présente en lune descendante, et d’autres rechignent à ouvrir leurs bouteilles au moment d’un nœud lunaire … sur cette dimension une chose est sûre : il n’y a qu’en goûtant qu’on en a le cœur net ,-)
Phytothérapie dans la vigne.
La biodynamie a recours à des pulvérisations à base de plantes (ortie, prêle, valériane, sauge..) et de minéraux (silice) pour dynamiser la vie du sol et renforcer la vigne. La biodynamie s’inscrit dans une logique de “phytothérapie” de la vigne et des sols : le vigneron prépare ses purins de plantes et les pulvérise sur la vigne pour renforcer sa vigueur, lui permettre de mieux résister aux attaques des maladies (mildiou, oïdium,..) ou du gel.
Un incontournable en biodynamie : les préparâts
Trois principales préparations à base de minéraux sont utilisées pour fortifier la vigne (on les nomme préparâts en biodynamie).
La bouse de corne (préparation 500)
La bouse de corne sert à renforcer la vie souterraine de la vigne en agissant sur le système racinaire de la plante. Elle est préparée en introduisant une bouse de vache dans une corne de vache que l’on enterre pendant la période hivernale pour la faire fermenter. La préparation est déterrée au printemps, diluée dans de l’eau de pluie à raison d’environ 1 gramme par litre. Ce mélange est “dynamisé”, c’est à dire brassé énergétiquement pendant une heure de façon à créer un vortex, puis pulvérisé dans la foulée.
« Cette préparation favorise la structure du sol, stimule la vie microbienne et la formation de l’humus » (Laurent Dreyfus, de la revue Biodynamis). Selon Pierre Masson (formateur et conseiller en biodynamie), « elle est un puissant édificateur de la structure du sol. Elle favorise l’activité microbienne et la formation d’humus. Elle régule le pH du sol en accroissant celui des sols acides et en atténuant celui des sols alcalins. Elle stimule la germination des graines, la croissance générale du système racinaire et particulièrement son développement vertical vers la profondeur. Elle aide à la dissolution des formations minérales dans les sols, même en profondeur. »
La silice de corne (préparation 501)
La silice de corne est préparée en plaçant du cristal de roche (quartz) dans une corne de vache et en l’enterrant pendant la période estivale, avant dynamisation (comme la préparation 500) et pulvérisation.
Complémentaire de la préparation 500, la 501 agit sur la partie aérienne des plantes pendant leur période végétative (l’hiver). Elle permettra de favoriser l’année suivante l’assimilation de la lumière solaire par la plante, aidera ainsi au développement des feuilles et à fournir l’énergie nécessaire à une bonne fructification.
D’après Pierre Masson, la silice de corne est « essentielle pour la structuration interne » de la plante et pour son développement. « Elle favorise la pousse verticale des plantes », ce qui facilite le palissage de la vigne. « Elle accroît la qualité et la résistance de l’épiderme des feuilles et des fruits. » Enfin, « elle est déterminante pour assurer une bonne qualité alimentaire : la qualité nutritive des aliments est renforcée, leur goût et leurs arômes sont mis en valeur. »
Le compost de bouse
Dernière préparation fréquemment utilisée en viticulture biodynamique : le compost de bouse mis au point par l’Allemande Maria Thun. C’est une sorte de compost concentré réalisé avec de la bouse de vache additionnée de poudre de basalte, de coquilles d’œufs et d’autres préparations biodynamiques du compost. Il peut s’employer plusieurs fois dans l’année, par exemple avant l’utilisation de la bouse de corne au début du printemps. Il est préférentiellement appliqué un jour racine en période de lune descendante.
« Il permet une bonne vie microbienne, explique L. Dreyfus, il active la décomposition des végétaux et des matières organiques et, de ce fait, il favorise une restructuration rapide des sols ». Ses composants aident à la formation de nombreux micro-organismes qui permettent de développer le complexe argilo-humique du sol. « On en met en novembre, juste après les vendanges, raconte David Rossignol (Domaine Rossignol-Trapet, Gevrey-Chambertin), pour améliorer la décomposition des matières organiques dans le sol ».
Tout cela concourt à la vie du sol et donc à la vigueur de la vigne, et donc à la qualité des vins…CQFD !!
Intrants et sulfites dans le vin biodynamique.
Pour ce qui concerne les additifs autorisés (les intrants), le cahier des charges de la biodynamie est pour les vins beaucoup plus restrictif que celui de la l’agriculture biologique et les seuils maximaux de soufre autorisés sont nettement plus faibles (de l’ordre de 30%inférieurs).
Découvrez ci-dessous un tableau récapitulatif élaboré par l’association des vins S.A.I.N.S (Sans Aucun Intrant Ni Sulfites) :
La biodynamie et le vin : ésotérisme ou exigence qualitative ?
Certains moquent la dimension ésotérique de la biodynamie, mais il est manifeste qu’elle permet une manifeste amélioration de la qualité des vins et conduit les vigneron(ne)s à une compréhension profonde de la vigne et du terroir – ceci explicite sans doute cela…
Si l’agriculture biodynamique est issue de la pensée anthroposophique de Steiner, et s’est développée au début essentiellement par des agriculteurs proches de cette pensée à la dimension ésotérique forte, les agriculteurs qui la pratiquent aujourd’hui se revendiquent davantage du pragmatisme que de l’idéalisme, comme le montre notre ami Jean Foyer, chercheur au CNRS, dans son étude sur la viticulture biodynamique : « Dans une large mesure donc, il faut éviter l’erreur d’assimiler anthroposophie et biodynamie appliquée […]. En termes d’identité et de savoirs, disons que la plupart des viticulteurs biodynamistes sont vignerons avant d’être biodynamistes, et biodynamistes bien avant d’être anthroposophes. »
Ce n’est en tout cas surement pas par hasard que le plus renommé des Bourgogne de France, le domaine de la Romanée-Conti, est en bio depuis 1985, avec pendant longtemps 7 ha en biodynamie et depuis 2007 entièrement en biodynamie, sans en faire un argument commercial mais “parce que c’est ce qui donne le meilleur vin” dixit son propriétaire emblématique, Aubert de Villaine. L’extrait de “La Clef des Terroirs”, un film de Guillaume Bodin, vous permettra d’en savoir plus sur le rôle de la biodynamie au domaine de La Romanée-Conti. Sans aucun doute le meilleur argument pour convaincre les critiques et les détracteurs du bio et de la biodynamie dans le vin !!
Bien d’autres domaines de référence sont dans la même dynamique – la Coulée de Serrant en bords de Loire (Savennières) en fait partie. Son propriétaire-vigneron, Nicolas Joly, a rédigé plusieurs ouvrages sur la biodynamie et nous en donne quelques clefs dans la vidéo ci-dessous.
Comment reconnaître un vin biodynamique ?
Vous trouverez sur les étiquettes et/ou les contre-étiquettes la mention des labels en biodynamie : Biodyvin et Demeter.
En savoir plus : Lien vers la présentation d’un des labels (Biodyvin)